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Céréales à paille Le socle de notre agriculture

Claudius Thiriet

Même si le nombre de semenciers impliqués dans les céréales à paille se resserre, l’agriculture française a la chance de disposer de sélectionneurs efficaces sur son territoire, notamment en blé.

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L’agriculture française est avant tout productrice de céréales à paille, et en particulier de blé tendre. Première espèce cultivée dans l’Hexagone, avec selon les années, autour de 5 Mha, le blé est aussi la première culture implantée en Europe ainsi que sur la planète. C’est ce qui explique que des groupes multinationaux comme Syngenta ou BASF s’intéressent de très près à la sélection de cette espèce. En France, bien que le nombre d’entreprises impliquées dans la sélection de variétés de blé se soit resserré, les agriculteurs ont la chance de disposer de sélectionneurs efficaces installés sur son territoire. C’est le cas de groupes français comme RAGT, aujourd’hui leader en blé sur le marché national. Il a notamment racheté le programme de sélection britannique du PBI, ainsi que Serasem, la filiale sélection du groupe In Vivo. C’est aussi le cas des semenciers historiquement présents dans la sélection des céréales comme Florimond Desprez ou Lemaire Deffontaines, du groupe Limagrain qui a racheté Nickerson et intégré les activités semences de Verneuil semences, mais aussi Caussade semences, Unisigma, émanation des coopératives Limagrain, Agora et InVivo, Agri-Obtentions, filiale de l’Inra, Secobra qui a été créée par la filière orge de brasserie pour sélectionner des orges et qui s’est intéressée progressivement au blé tendre, ou encore Semences de Provence, un spécialiste du blé dur.

Des groupes français ou européens

La France compte aussi, parmi les sociétés semencières avec un pied dans la sélection du blé, Syngenta Seeds, qui a racheté une entreprise familiale de sélection du Bassin parisien, Benoist, le groupe allemand KWS, qui a repris progressivement le capital du sélectionneur du Nord Momont, ou encore un deuxième groupe allemand, Saaten-Union, qui s’est implanté dans l’Oise et qui a développé des programmes de sélection à la fois en blé hybride et en blé conventionnel. On trouve aussi les filiales des coops danoises, DSV France, ou autrichienne, Saatbau France. Des acteurs plus modestes, comme Sem-Partners et Semences de l’Est, repèrent quant à eux chez des sélectionneurs européens partenaires, des variétés susceptibles d’apporter un plus sur le marché français, notamment sur des marchés de niche ou bio. À noter aussi l’arrivée, dans la sélection du blé en France, de Deleplanque. Impliqué de longue date dans le seigle hybride, le semencier français, qui a racheté il y a deux ans le sélectionneur allemand Strube, vient d’annoncer la création d’une station de sélection dédiée au blé à Verdes, dans le Loir-et-Cher. Strube est déjà présent en blé en Allemagne où il est le 3e sélectionneur. Quelques-unes de ses variétés étaient déjà commercialisées sur le marché français via son partenaire Saaten-Union. RAGT vient également d’annoncer le regroupement de ses sites de sélection du nord de la France, à Annœullin, dans le département du Nord.

Des axes de sélection rebattus

Les céréales à paille, et en particulier le blé tendre, doivent faire face depuis une dizaine d’années à un gros souci, celui de la stagnation des rendements. « L’augmentation de la productivité ne s’est pas infléchie, assure pourtant Philippe Gate, directeur scientifique d’Arvalis-Institut du végétal. Sans amélioration génétique, les rendements auraient baissé. La résistance aux maladies s’est aussi améliorée. » Pour lui, ce sont surtout les accidents climatiques de ces dernières années qui expliquent le plafonnement des rendements. Les agriculteurs et la société attendent de la sélection des variétés plus productives, plus résistantes aux aléas climatiques et moins dépendantes des intrants, ce qui rebat les critères de sélection. Les premiers résultats des programmes d’investissements d’avenir, et notamment, de Breedwheat en blé, devraient faciliter le travail des sélectionneurs en ce sens. « L’Inra dispose d’une collection de 12 000 variétés de blé qui est à la disposition des sélectionneurs, explique Laurent Guerreiro, directeur général de RAGT semences. Le programme Breedwheat a, quant à lui, permis de mieux connaître la diversité génétique du blé. Les chercheurs ont identifié 450 variétés qui couvrent une grande partie de la diversité de l’espèce et vont permettre à la sélection d’avancer. Une puce de génotypage qui rassemble 420 000 marqueurs a été mise au point. Elle va nous permettre de travailler sur le rendement et des critères comme la résistance à la sécheresse, au froid et au gel, de façon plus efficace. » « Ces programmes vont permettent de faire des progrès en termes de sobriété des variétés, d’efficience de l’azote et de capacités d’absorption après la floraison, ajoute Philippe Gate. À une échéance de sept à huit ans, nous avons l’espoir de disposer de variétés qui combinent rendement et taux de protéines élevés. »

Des créneaux nouveaux

En orges, la recherche est dans les mains d’une poignée de sélectionneurs qui tirent assez bien leur épingle du jeu. Les surfaces d’orges, printemps et hiver confondues, ont eu tendance, depuis cinq ou six ans, à augmenter légèrement pour atteindre 1,9 Mha depuis deux ans, alors qu’elles étaient descendues à 1,6 Mha en 2012 et 2013. L’arrivée des orges hybrides a sans doute joué en faveur de l’orge ces dernières années. À côté des orges, le blé dur, le triticale ou le seigle font partie des principales céréales secondaires cultivées en France. De nouvelles espèces, comme l’avoine nue ou l’épeautre, font aussi leur apparition, de même que les mélanges de variétés en blé qui, a priori, représentaient 8 % des emblavements en 2019-2020. De même, des céréales sont proposées en méteil, en mélange avec d’autres espèces. Et chaque année, le bio augmente, avec 236 000 ha implantés en 2019, toutes céréales confondues.

Coops et négoces très impliqués

La production de semences de céréales à paille est assurée dans les grandes régions de production céréalière par 6 560 agriculteurs multiplicateurs, en partenariat en grande partie avec des coopératives et des négociants. Parmi les plus importants, on peut citer Vivescia, Eurosem, Soufflet, la nouvelle union Exélience, Épi de Gascogne ou Lecureur qui, via leurs investissements récents ou à venir, donnent un coup de jeune à la filière (lire p. 35). Les nouvelles technologies développées en production de semences poussent aussi les établissements à investir. « La recherche de nouvelles variétés, plus économes en intrants, va aussi passer par des expérimentations variétales plus développées », note Vivescia. Quant à la commercialisation des semences de céréales à paille, le leader, et de loin, sur le marché intérieur, est Semences de France. Le taux d’utilisation de semences certifiées a eu, quant à lui, tendance à diminuer légèrement ces dernières années. « Mais la tendance s’est renversée cette année, puisqu’il vient de connaître une légère remontée en blé, en passant de 45 % en 2016-2017 et 2017-2018, à 48 % en 2018-2019 », précise Philippe Silhol, du Gnis. La transformation cet été de la CVO, cotisation volontaire obligatoire, en Criv, contribution pour la recherche et l’innovation, et son augmentation de 0,70 à 0,90 €/t, n’ont pas suscité de réaction de la part des agriculteurs. L’accord avait de toute façon été signé à l’unanimité par l’AGPB. Cette décision va permettre de renforcer les budgets consacrés à la recherche en céréales à paille.

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